Le papillon

Autor : George Toparceanu - Fr

Je fis un voeu tendre :
Je cueillerai la fleur
Où il va descendre,
Pour guérir mon coeur.

Il vole, il hésite,
il monte, il descend –
Puis pose un instant,
Sur ta main petite,
Son vol inconstant.

O, la belle offrande,
La petite fleur !
Je te la demande
Pour guérir mon coeur.

Texte sur une pierre

Autor : Nichita Stanescu - Fr

Animal sans Dieu réduit à soi-même
Pelotonné contre son centre unique
couvert à jamais des herbes étrangères
semées de la bise attique.

Je m’efforce de comprendre, joindre à mon être
ce moi-même, ce blessé habitant le tympan
cuivré et secret
où les mods se reposent à l’abri de l’an.

Je ne peux m’approcher et je vois l’impossible:
je suds tout dehors
… Pierre, ton museau et tes dents rendent visible
la morsure de tes coeurs.

Le lointain

Autor : Nichita Stanescu - Fr

Le lointain devient une roue aux dents
enlaçant le fuseau de mystère: mon ouïe
qui tout en tournant ronge lentement
d’un dieu pas encore né son esprit engourdi.
Il attend ce dieu qu’il soit emboîté
à la Terre qui s’envole à vitesse bleu marine
emportant en guise de vivres une trace
au coeur arraché: c’est le nôtre
Il bat, on l’entend, il bat, on l’entend,
sphère croissant à crever sous la voûte divine.
Les routes dégoulinent de larmes.
La mémoire s’est évanouie, élastique
fronde à pierres, invisible gondole
sur les eaux des Venises d’en face
dent arrachée à la corde de son alvéole
en bas, l’orbite du Vésuve. Et toi tu existes.

O reste

Autor : Mihai Eminescu - Fr

«0 reste, reste pres de moi
Puisque je t’aime tellement !
Moi seule je sais ecouter
Tes nostalgies, desirs ardents;

Dans l’obscurite de mes ombres
A un prince je te compare,
Qui regarde aux trefonds des eaux
Avec ses yeux sages et noirs:

Et par les vagues qui mugissent,
Par les ondes de l’herbe antiere
Je te fais entendre en secret
La marche des troupeaux de cerfs;

Je te voi ravi par le charme
Murmurer de ta douce voix,
Pendant que tu tends le pied nu
Dans l’eau limpide au pur eclat

Et regardant sous clair de Iune
Vers le lac aux ardents rayons,
Tes anees semblent des instants,
Les instants siecles sembleront.»

Ainsi dit la calme foret,
Sa voutes sur moi balançant;
Mais je sifflais a son appel
Et je sortis au champ en riant.

Aujourd’hui si j’y revenais
Je ne la comprendrais plus guere…
Ah, mais où at-tu mon enfance,
Avec ta foret, ton mystere?

Les nonmots

Autor : Nichita Stanescu - Fr

Il m’a tendu une feuille telle une main à doigts
Moi je lui ai tendu une main telle une feuille à dents
Il m’a tendu une branche comme un bras
Telle une branche j’ai étiré le bras
Lui c’est penché vers moi avec le tronc
tel un lourd pomrnier
Moi j’ai baissé mon épaule comme un nouveau tronc,
j’entendais sa sève pousser
comme le sang.
Il entendait mon sang monter
lentement comme la sève.
Moi j’ai traversé son corps!
Lui, il a parcouru le mien.
Moi – je suis resté un arbre solitaire
Lui – un homme tout seul.

L’état immobile

Autor : Nichita Stanescu - Fr

C’aurait été un péché, une honte de m’envoler
C’aurait été trahison
si d’un coup je devenais léger
la masse de la Terre, son poids
qui vaut à même mon amour pour soi
le changer sur quelconque hauteur ou pensée
l’amour de cet immense globe et lourd à tort
Ie changer pour la mort.

Si je me transformais en deux ou en trois
j’aurais pu le laisser tel le bétail sans pâturage
et telle la lumière
Mais sans son oeil caché pour la prière.
Je suis juste parce qu’il m’existe encore.

Mais long est le conte et sanglant le décor. . .

Au milieu de la forêt

Autor : Mihai Eminescu - Fr

Au milieu de la forêt
Viennent les oiseaux sans arrêt
De la coudraie fort ombrageuse,
A la clairière joyeuse,
Clairiere pres de l’étang
Qui, aux grands roseaux ondoyants,
Se balance ainsi dans Ies ondes.
Pénétré dans ses eaux profondes
Par la lune, par le soleil
Par les oiseaux comme merveilles,
Par les étoiles éternelles,
Par les volées des hirondelles
Par le visage de ma belle.

Sonnet I

Autor : Mihai Eminescu - Fr

Dehors c’est bien l’automne aux feuilles dissipées,
Le vent jette aux carreaux lourdes gouttes rebelles;
Des lettres tu relis, qu’a rongées le temps cruel
Et tu revois ainsi toute la vie passée.

Tu fais passer le temps avec des bagatelles,
Tu ne veux pas qu’on frappe a ta porte fermée;
Mais combien il est doux, oubliant la geleé,
Ou’on rêve près du feu, quand la tête chancelle.

Et je médite ainsi, et mon esprit se penche
Vers la fée Dochia des légendes d’antan;
Et le brouillard autour s’amasse en avalanche;

Mais tout d’un coup j’entends la jupe au son d’argent,
Un tendre pas posé à peine sur les planches…
Et puis deux froides mains couvrent mes yeux ardents.

Fables microscopiques

Autor : George Toparceanu - Fr

Toto et l’auto

– Au revoir ! dit Toto
Et partit en auto.
Il n’avait nul souci.
Au tournant dangereux
Il lui crêva un pneu…
Toto creva aussi.

Moralité:
Mourir c’est partir un peu…

Le Vaillant moucheron

Un moucheron d’un jour piqua le grand Enée…

Moralité:
La valeur n’attend pas le nombre d’anées !

Fable esquimaude

Un grand ours blans mangea un petit daim.
Il assouvit sa faim
Au moins pour une fois…

Moralité:
on a toujours besoin d’un plus petit que soi.

L’âne philosophe

Un jeune âne amoureux d’une noble cavale,
Lui demanda la main (le sabot de devant).
– Mais… vous êtes du peuple, et moi – je suis
pur sang,
Je vous ferai cocu ! lui promite-elle.
– J’avale
Tout ce que vous voudrez ! dit l’âne sans émoi,
Car…

Moralité:
Promettre c’est noble, tenir serait bourgeois…

La proclamation du nom

Autor : Nichita Stanescu - Fr

Tout d’abord tu serres tes épaules
ensuite tu t’élèves sur la pointe des pieds
tu fermes les yeux
et te bouches les oreilles.
Tu te dis à toi-même:
maintenant, je vais voler.
Après quoi, tu dis:
je vole et c’est juste cela le vol.

Tu serres les épaules
à la manière des rivières qui se rassemblent dans un seul fleuve.
Tu fermes les yeux
pareillement aux nuages qui encerclent le champ.
Tu te hausses sur la pointe des pieds
telle la pyramide qui s’élève sur le sable.
Tu renonces complètement à l’ouie
l’ouïe de tout un siècle
ensuite tu te dis à toi-même:
maintenant, je volerai
dès ma naissance jusqu’à la mort.
Après quoi tu te dis encore:
je vole –
et c’est bien cela le temps.
Tu rassembles tes rivières
pareillement à tes épaules
tu t’élèves sur le bêlement des chèvres
et dis: Nevermore
et tout de suite après: froufrou – flûte!
tu bats des ailes de quelqu’un d’autre,
et ensuite
tu deviens ce quelqu’un d’autre
et celui-là sera
à jamais ce quelqu’un d’autre.

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